Alex Proyas fut un cinéaste prometteur. En 1994, il manque de peu la Palme d’Or du Court-Métrage à Cannes puis se fait remarquer pour son second film : The Crow. Bien qu’inégale, cette adaptation d’un comic à succès devient aussitôt culte pour tout un public dark tout en convainquant les fans de la BD, ce qui n’est pas rien.
Mais c’est quatre ans plus tard avec son remarquable Dark City que le réalisateur australien acquiert sa réputation de cinéaste visionnaire débarrassé de son passé clinquant de clippeur/pubard. Intrigue inquiétante et parano, univers poétique proche d’un Terry Gilliam et final vertigineux font de Dark City une splendide réussite qui laisse présager le meilleur pour l’avenir.
Et puis avec I, Robot, c’est la douche froide : énorme production produite par et pour la star Will Smith, le film malmène l’univers d’Isaac Asimov à coup de sponsors, bourre-pifs et cavalcades 3D. Quelques moments touchants affleurent ici ou là mais le tout sombre inexorablement dans l’action-movie de série, humour lourdingue compris.
Mais l’on pardonne à Proyas pour qui c’est le premier blockbuster. Bien d’autres avant lui se virent phagocytés par l’ogre hollywoodien friand de produits formatés. Reniant le film, le cinéaste fait retraite pendant cinq ans pour revenir avec ce Knowing dont il est cette fois le producteur. On allait voir ce qu’on allait voir, d’autant que le scénario bénéficiait d’une réputation flatteuse. Malheureusement, Proyas en liberté se révèle un cinéaste maladroit et emphatique, faisant preuve d’un goût douteux et d’une idéologie redoutable.
Côté prédictions, il faut reconnaître que la présence au générique de Nicolas Cage n’était pas bon signe tant l’acteur semble choisir les nanars avec une constance impressionnante. Déjà peu convaincant en aventurier du scénario perdu (Benjamin Gates 1 & 2) ou en super-héros pyrotechnique (Ghost Rider), il torpille d’entrée ce rôle de père-de-famille-ordinaire-prof-d'astronomie tout en fausses dents et lifting plastifié. Guère aidé par un scénario alambiqué qui présentait pourtant un fort potentiel dans le registre de l'aventure mystérieuse façon X-files, Cage n’évite pas toujours le comique involontaire. Le film non plus.
Car à force de collectionner les coups de pied au cul du hasard et les indices bidons pour faire avancer l’histoire, Proyas finit par saborder ses bonnes idées. Mêlant voyance, film catastrophe, menace cosmique et drame personnel, le tout dans un climat résolument sombre où humour et romance sont exclus, Prédictions et sa fin radicale avait les moyens d’offrir une très belle surprise à tout amateur de fantastique et de SF.
Mais comme emporté dans une surenchère scénaristique intenable et pollué par un message mystique aussi déplaisant que grotesque, Prédictions passe de l’aimable série B de luxe à un larmoyant salmigondis de bondieuseries du 3eme type.
Du coup, le réalisateur n’en finit pas de clore son film en accumulant les scènes d’apothéose toutes plus foireuses et artificielles les unes que les autres. Tout a déjà été vu mille fois et en mieux dans cette fin à rallonge où se succèdent de paresseux emprunts à Rencontres du 3eme Type, Independence Day voire aux Elohims chers à Raël. Tout ça sur fond de reconquête de la foi par le héros, fils de pasteur. Gasp. On éclaterait de rire à tant de mauvais goût et de bêtise si le tout ne laissait un vilain arrière-goût d’élitisme sectaire.
Alex Proyas fut un cinéaste prometteur. C’était il y a longtemps.
6 commentaires:
Bonjour Robby, j'aime les critiques négatives car elles sont souvent assez jouissives à écrire comme à lire ; ici, malgré votre avis tranché sur la question, j'ai toujours envie de voir ce nouvel opus de Proyas (finalement auteur d'un seul vrai bon film, bien que je n'ai pas vu son Garage Days). Indécrottable amateur de SF, je ne peux m'empêcher de regarder tous ceux qui me tombent sous la main. Dernier en date (et peut-être objet d'une prochaine chronique chez moi) : Dante 01. Mon dieu que c'était mauvais !
Salut Raphaël !
Je crois que nous souffrons du même "mal" qui consiste à foncer dès qu'une aventure extraordinaire est en vue. ^^
On m'avait prévenu sur ce Prédictions, mais il a fallu que je le vois tout de même pour me faire un avis. Ou pour grappiller d'éventuels surprises...
Il est vrai que je suis sévère car j'aurais pu aussi mentionner quelques bons moments comme l'accident d'avion ou l'intrusion progressive des intrus. Mais bon, j'ai préféré évoquer ce que l'on retient in fine du film...
Dante 01 je n'"ose" pas le voir. Mais un jour c'est sûr, il y passera.
Je plussoie sur tout ce qui a été dit en rajoutant un petit commentaire personnel : j'ai trouvé que les intrus sortaient tout droit de Dark City et ça m'a gonflé. Faire référence à ses œuvres précédentes, pourquoi pas, mais là, ça manque franchement de subtilité. C'est plus de l'allusion, c'est de la parodie.
Ceci dit, moi aussi, j'ai beaucoup aimé la scène de l'accident d'avion ;)
Bonjour Isabelle
Ben pour les intrus, Dark City est un film de Proyas lui-même. Après tout, personne ne reproche à Burton de nous refiler ses costumes à rayures de films en films :D
En revanche l'allusion grossière à CE3K avec le dialogue en langue des signes à la fin, là c'est vraiment une honte. D'autant qu'il colle un handicap au personnage rien que pour "justifier" lourdement cet emprunt. brrr
Robby
Je te trouve sévère avec I, Robot. Quant à Predictions, j'avoue y avoir été à reculons n'étant pas très fan de Nicolas Cage. J'ai vraiment pas aimé la fin. A voir pour la scène du crash de l'avion...
Je confirme, ce film ce sera vraiment sans moi. :)
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