
Soixante quinze minutes plus tard, le verdict est sans appel : REC est une réussite totale qui enfonce encore davantage ses concurrents dans la médiocrité. Car les deux cinéastes ibériques sont parvenus pour la première fois à relever presque tous les défis du genre, à en éviter bien des écueils. Là où un Romero à bout de souffle patine dans une structure narrative approximative l’obligeant à tricher en permanence pour respecter son postulat de départ intenable, là où Cloverfield se perd rapidement dans sa vacuité scénaristique, REC propose une construction d’une incroyable densité et d’une rigueur implacable. Tout est y introduit au bon moment, au bon tempo, ne se reposant jamais paresseusement sur la formule pour palier le manque de rigueur à l’écriture (suivez mon regard). REC a été conçu comme un véritable film, pas comme un gadget.
Comme précédemment Danny Boyle et son 28 Jours plus Tards, Plaza et Balagueró semblent avoir réfléchi à leur œuvre pour en tirer le meilleur presque "en dépit" du procédé. Alors oui, la caméra se promène et zigzague en permanence, oui la lumière se veut crue, oui tout se déroule en temps réel court-circuitant la plupart des conventions narratives classiques. Mais tout (ou presque) y est aussi parfaitement justifié. Même si l’idée du cameraman qui continue de filmer en dépit de tout reste discutable, les auteurs parviennent par d’astucieuses pirouettes à trouver une justification suffisante pour évacuer la question au profit de l’événement. Sous un apparent désordre se cache donc une véritable et puissante mise en scène où tout a été pesé jusqu’au moindre détail. Même l’introduction se déroulant dans une caserne de pompiers est frappante de réalisme : on a vraiment la sensation d’assister au tournage d'un reportage télévisé, les acteurs étant tous troublants de vérité. Le soin apporté dès ce stade du film montre déjà la voie rigoureuse suivie par les deux cinéastes, bien loin de la navrante introduction totalement artificielle (un comble) de Cloverfield.
Si l’histoire n’est pas d’une originalité folle et s’inscrit totalement dans cette nouvelle vague de zombies et autres infectés amorcée par le film de Danny Boyle ou l’Armée des Morts, Balagueró signe un final inattendu et fantastique dans la droite ligne de ses œuvres précédentes. Il s'agit d’ailleurs des moments les plus terrifiants du film, mettant en image un cauchemar ultime là encore très bien servi par le style DV reportage. Faisant suite à une heure d’hystérie magistralement orchestrée, l’exploit est d’autant plus impressionnant. À noter que dans ce tourbillon horrifique, les auteurs se paient même le luxe d’introduire quelques considérations sociales sur ce petit groupe de gens ordinaires confrontés soudainement à l'horreur. C’est effleuré à la bonne mesure et par là même bien plus efficace que la consternante balourdise moralisatrice de Diary of the Dead.
Finalement REC s’applique à démontrer que le procédé importe peu dès lors que la caméra (même bringuebalante) est tenue par des cinéastes de talent. En osant bousculer ainsi à ce point sa propre marque de fabrique avec un tel bonheur, Balagueró confirme qu’il est décidément un très grand cinéaste de genre. Sans doute l’un des meilleurs de la décennie.