Film à la carrière discrète (on dit aussi "échec commercial"), The Edge se révèle pourtant une solide production comme il en existe peu sur le thème de l'aventure avec un grand "A". Réunissant les impeccables Anthony Hopkins et Alec Baldwin aux prises avec un environnement sauvage somptueux mais pour le moins hostile, Lee Tamahori nous emporte loin, très loin, quelque part entre les récits d'aventure de notre jeunesse et le thriller machiavélique.
Richement produit par Art Linson juste après Heat déjà écrit par le très polyvalent et talentueux David Mamet (Glengarry, Verdict, Hoffa), le film s'est dans un premier temps construit autour d'Harrison Ford et Dustin Hoffman. Mais le duo d'acteurs finalement retenu fut sans aucun doute le meilleur choix possible pour servir cette intrigue moins simpliste qu'il n'y paraît.
La petite équipe d'un séduisant photographe de mode (Baldwin) part en Alaska pour mitrailler dans un environnement sauvage une célèbre top model mariée à un milliardaire vieillissant et passablement jaloux (Hopkins). A la suite d'un crash durant un vol de reconnaissance, l'amant présumé, son assistant et le mari suspicieux se retrouvent perdus au milieu de l'Alaska montagneuse. Commence alors une marche aussi longue qu’éprouvante, où il faut constamment lutter pour sa propre survie... sans négliger de surveiller du coin de l'oeil son compagnon d'infortune.
Outre les innombrables et très efficaces péripéties auxquelles on pouvait s'attendre (ours kodiak terrifiant en guest star), toute l'astuce du scénario consiste à y imbriquer une forte dimension psychologique liée aux caractères et aux enjeux symbolisés par les deux protagonistes principaux. Conscient que son statut de milliardaire suscite un constant mélange d'envie, d'admiration teintée de jalousie voire de haine, Morse/Hopkins est un homme froid, sur la réserve mais discrètement généreux, tout entier tourné vers l'efficacité et le rationnel. Le talent de l'acteur consiste à transmettre également une ombre de vulnérabilité au parfum de désespoir qui semble inséparable de la trop grande lucidité du personnage.
Face à lui Alec Baldwin excelle à nouveau dans cet emploi de charmeur énergique aux intentions pas très claires. Rôle qu'il avait déjà visité avec succès dans les tortueux Malice où La Jurée. Grâce au parti pris de suivre en permanence les rescapés sans jamais alterner avec d’hypothétiques recherches ou tout autre retour à la "civilisation", les personnages prennent le temps d’évoluer au gré des épreuves. Mais sans toutefois se transformer radicalement : David Mamet évite en effet les gros sabots d'une niaise rédemption comme le cinéma populaire américain nous en sert trop souvent.
L'autre personnage incontournable du film est évidemment ce décor du bout du monde magnifié par une réalisation ample, rigoureuse, joliment classique et soutenue par une lumineuse photographie. Loin du tout numérique et des effets tourbillonnants si courants depuis, A Couteaux Tirés prend résolument le pari du réalisme en allant tourner presque entièrement en extérieur. Rares sont les films qui savent si bien tirer parti d'un tel cadre d'exception. Une option qui s'avère très payante tant pour l’immersion du spectateur que pour l’efficacité des rebondissements. Bien sûr il s’agit là d’un réalisme tempéré par une bonne dose de coups de bol, mais n'est-ce pas là souvent le prix à payer pour vivre de telles aventures ? On pourra également déplorer une fin un peu abrupte, un fond idéologique légèrement rance ou bien encore la très paresseuse musique de Jerry Goldsmith. Mais le souffle du film et le plaisir d'être diverti sans être pris pour des abrutis l'emporte aisément sur ces quelques menues faiblesses.
3 commentaires:
Ce film a fait preuve de beaucoup de discrétion. Je l'avais vu il y a quelques années à l'occasion d'un vol transatlantique. Après projection, j'étais partagé entre deux sentiments: une grande frustration de l'avoir vu sur un écran 12 pouces, et une impression d'urgence de le revoir avec Nath. Chose faite à de multiples reprises.
Oui je me suis rendu compte de la même chose : c'est un film qui se revoit plusieurs fois sans ennui, comme on relit ses Tintins à l'occasion d'une journée pluvieuse.
Oui, de l'ampleur, du suspens, une photo somptueuse, Hopkins et Baldwin épatants. Le Noir se fait dévorer par le grizzly. Welcome to America.
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