
S'appuyant sur un scénario qui exploite le thème essoré du super soldat, le film se contente d'aligner les clichés les plus prévisibles sous le prétexte paresseux de la fidélité à l'histoire d'origine. Pas une seule minute qui soit surprenante : tout est vu, revu et passablement faisandé au-delà du tolérable, en particulier lorsqu’on se targue de rénovation.
La réalisation impersonnelle de Louis Leterrier ne compense malheureusement pas cette vilaine trame en égrenant platement toutes les tartes à la crème visuelles en vigueur dans le film d'action de la décennie, musique tambourinante au kilomètre comprise. Jusqu'à d'invraisemblables incohérences où la même poursuite voit alterner des plans de nuit totale, de plein jour et de petit matin, où des trombes d'eau se déversent juste au bon moment sans prévenir, où des batailles rangées se déroulent sur un campus d’université totalement désert, où l’on fabrique un vaccin dans une cuisine avec trois éprouvettes et autres stupidités du même tonneau. Où sous prétexte de divertissement on prend le spectateur pour un crétin…
Le thème original du bourrin vert n’étant pas à la base d’une richesse époustouflante, et passée la déception d’un traitement qui joue ouvertement la démission côté imagination, on pouvait espérer quelques compensations spectaculaires dernier cri là où le film d’Ang Lee échouait cruellement. Hélas nous n’aurons droit cette fois encore qu’à des créatures artificielles d’une rare laideur tant esthétique que technique. L’ennuyeux combat de catch final sur fond de grosses voix déformées et de rugissements est aussi creux sur le plan visuel que dramatique. Comme les autres personnages, on se contente de regarder, incrédules, ces improbables séquences de "dessins animés" sans intensité ni enjeux.
Quant aux acteurs plutôt hauts de gamme qui se sont fourvoyés dans cette aventure, ils font certes correctement leur boulot, mais ne sont pas pour autant très bien choisis. En particulier un Tim Roth dont le talent n’est plus à démontrer mais qui, outre les trois phrases moisies qui lui sont dévolues, n’a pas vraiment le physique du rôle. Quant à Liv Tyler en scientifique de pointe no comment… Edward Norton fait au mieux avec ce qu’on lui donne tandis William Hurt s’en sort honorablement dans un rôle en carton. Bref, comme un petit sentiment de confiture aux cochons, même si ces présences prestigieuses et le ton sérieux permettent au film d’échapper au statut d’indigent nanar façon Les 4 Fantastiques pour se contenter de n’être qu’un mauvais film sans saveur. Quant à la comparaison avec la version honnie de 2003, l’aspect dit "psychologique" me semble mieux traitée par Ang Lee et ses comédiens qui n’ont décidément pas à rougir devant ce triste avatar.
Après l’inattendu Iron Man doté d’un scénario à peine plus passionnant mais tout entier porté (détourné ?) par l’acteur et un réalisateur qui a la sagesse de le laisser faire, cette nouvelle mouture Marvel n’augure rien de bon. Elle démontre que la " fidélité" n’est pas nécessairement un gage de qualité et que la thématique des super-héros manque trop souvent de substance pour n’être confiée qu’à des réalisateurs dociles se contentant de filmer un storyboard conçu par une armada de scribouillards aux ordres.
Depuis le Superman de Donner jusqu’aux récents Batman de Chris Nolan en passant par Tim Burton et évidemment les X-Men de Bryan Singer, les producteurs devraient savoir que les réappropriations sévères de la part de cinéastes de caractère constituent la seule manière viable de porter à l'écran des histoires souvent simplistes et datées. Robby pas content.