Film pour le moins méconnu en raison d’une sortie sabordée, Charlotte Gray ne fut distribué aux Etats-Unis que dans une poignée de salles durant la dernière semaine de décembre 2001. Warner Bros décida dans la foulée d'annuler purement et simplement son exploitation en Europe, décision d’autant plus inexplicable que le film était l'un des plus gros budget du cinéma britannique de l’époque. Cette absence d’exploitation précipita dans les plus grandes difficultés la célèbre firme Channel Four/Film Four, fleuron du cinéma d’Outre-manche depuis près de vingt ans (Trainspotting, My Beautiful Laundrette, The Crying Game, Elisabeth, Secrets et Mensonges, Peter’s Friends etc…).
Ce n’est que par une dérogation spéciale du Ministère de la Culture que le film put être exploité en France dans une seule salle, à St Antonin le petit village où il fut tourné. Charlotte Gray est en effet l'adaptation du roman éponyme de Sebastian Faulks qui évoque l'aventure de l'une des nombreuses femmes britanniques parachutées sur le sol français pour aider la Résistance durant la Seconde Guerre Mondiale.
Curieux mélange de classique "film de Résistants" et d’ample mélodrame un peu convenu mais efficace, les aventures de la jeune écossaise au pays des frenchies sont de bonne tenue mais n'échappent pas à un certain académisme. La réalisatrice australienne Gillian Armstrong semble hésiter en permanence entre le flamboyant mélo historique et une vision inattendue, car plutôt désabusée, du combat au quotidien d'un minuscule réseau de résistants au destin tragique. L'image somptueuse du film et la réalisation sophistiquée soulignent encore cette démarche presque schizophrène qui finit parfois par donner à des situations dramatiques les couleurs d'une luxueuse carte postale. L'intention était probablement d'insuffler à l'odyssée personnelle de Charlotte Gray la dimension d’une vaste fresque historique, mais elle finit par nuire à crédibilité de l’ensemble.
A sa décharge le film pose un problème spécifique au spectateur français qui verra des dialogues anglophones très "Good morning mademoiselle" contribuer à rendre ce décor du terroir paradoxalement artificiel. Pourtant il faut accorder à la cinéaste d'avoir su éviter les clichés attachés à la France : ici pas d'accordéon ni de héros séducteur impénitent, bien au contraire.
L'interprétation dense et "habitée" de Cate Blanchett parvient à faire oublier en grande partie ces maladresses en emportant le spectateur dans le tourbillon de sa douloureuse expérience d’espionne ordinaire et improvisée. Passant de la fougue à la terreur, de la rigueur à la détresse, l'actrice porte tout le film sur ses épaules et de quelle manière. Face à elle Billy Crudup incarne un personnage tout en retenue assez surprenant pour ce type de rôle tandis que Michael Gambon est très émouvant en patriarche cynique et généreux.
Même s'il ne parvient pas vraiment à atteindre son objectif à force de vouloir être partout à la fois, Charlotte Gray est une oeuvre soignée, parfois poignante et esthétiquement magnifique qui mérite bien mieux que son statut de film fantôme.
3 commentaires:
Jamais entendu parler de ce film, pourtant sur une période qui m'intéresse... je suis curieux de voir ça. ça à l'air autre chose que Black Book :o))) (si je me rappelle bien le titre de ce film sur la résistance hollandaise...)
Attention tout de même, je ne suis pas sûr qu'au strict point de vue historique le film soit si intéressant ou novateur pour toi. ;o) C'est davantage dans le traitement inhabituel d'actes très classiques que le film peut surprendre. En gros, ça foire pas mal quoi. Ca pourrait expliquer aussi son échec d'ailleurs...
Je n'ai pas vu Black Book.
Tu rates rien pour Balck Book, parfois de jolies images dans mon souvenir mais qui en font un peu trop très souvent.
Et puis "clichesque" à mort sur la période, scénar cousu de fil blanc... bref pas grand chose de bon.
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