Et puis les toutes premières scènes d'exposition, ordinaires, mais déjà extraordinaires dans la manière de filmer. L'image est crue, contrastée, les personnages ont des rougeurs et des cernes, la maison "familiale" est exiguë, sans charme, le cadre plutôt écrasant et les rapports tendus, voire vaguement désespérés. Léger malaise. Pas un "martien" encore à l'horizon, mais on n'est déjà plus dans un blockbuster comme les autres, loin des incontournables banlieues chics peuplées de personnages pétants de santé.
Puis soudain l'orage magnétique, l'arrivée du premier engin extra-terrestre, on avait déjà vu ça mille fois. En fait non. Crescendo haletant, images sidérantes, mise en scène inventive à chaque instant. Brut, sans une note de musique. Et puis LE SON, terrifiant et l'apparition de la chose. Le premier plan général de la ville avec la gigantesque créature debout, presque immobile. Temps suspendu avant que la puissance aveugle et meurtrière des visiteurs ne se déchaîne. C’est puissant, beau, c'est inédit et... totalement effrayant !
La fuite éperdue des trois personnages principaux, le père (Cruise) et ses deux enfants, voit une alternance de moments "humains" d'une incroyable noirceur, et de scènes apocalyptiques d'une violence rare pour ce genre de production. On ne fanfaronne pas, on ne "patriotise" pas, on essaie juste de sauver sa vie. Le trio d'acteurs est impeccable et incarne parfaitement ces personnages qui tentent d'échapper à ce chaos général en improvisant à chaque instant avec leurs pauvres moyens.
La scène déprimante du ferry où l'arme du personnage principal sert peu et plutôt mal, puis la bataille presque hors champ derrière les collines entre l’armée et les créatures concluent cette première heure tendue d’une extraordinaire densité.
Peu de réalisateurs auraient eu la liberté et le talent de présenter une Guerre des Mondes aussi crépusculaire dans un film de cette envergure.
Jusqu'à l'arrivée dans un ultime refuge, le sous-sol d’une maison habitée par un homme seul - interprété par Tim Robbins - aux intentions incertaines, le film est implacable. Mais on a la sensation que la suite intéressait nettement moins Spielberg. De fait, on enchaîne des scènes plus classiques qui rappellent même parfois celle des vélociraptors de Jurassic Park dont scénario était également de David Koepp. On pense aussi à Signes. Bref, ça reste de bonne facture, mais on change clairement de braquet.
La fin plutôt expédiée et assez fidèle au roman ne fait que confirmer cette impression, sans parler de l'épilogue familial qui ronge gravement et semble provenir d’un autre film, puis enfin de vagues explications finales parfaitement inutiles sur le même ton que l’introduction.
Mais l'essentiel est là : mettre en scène de façon originale et formidablement puissante une situation extrême et cruellement basique qui avait déjà été traitée de mille façons durant des décennies de cinéma. Mission totalement réussie.
5 commentaires:
Sans esbroufe (ok, à l'exception d'un plan autoroutier) mais avec de véritables idées de mise en scène Spielberg réussit une fois de plus son exercice. Dans le making-off, on voit à quel point il intervient dans le scénario : l'idée du boeing écrasé dans le décor est, selon le scénariste, de lui. Incroyable aussi de noter sa décontraction sur le tournage, malgré les centaines de figurants, dans une froide nuit d'hiver.
J'ai fait dans mon froc pendant deux heures.
Spielberg rulz !
Ah oui ce plan autour de la voiture m'avait scié d'ailleurs car il est progressif et fonctionne sur la longueur.
Le postulat scénaristique d’abandonner les procédés omniscients et chorals pourtant coutumiers du genre (voir encore les récentes Emmericheries !) et de laisser là même la vision des puissants « dépanneurs » (Etat, Armée, Scientifiques, Presse) au profit du prisme réduit d’un pauvre mec (anti-héros autant que peut l’être Cruise, ne poussons pas trop quand même !), d’un citoyen lambda ignorant tout de ce qui se passe et qui tente de fuir est la force vive, l’intérêt principal de cette relecture Wellsienne. Les effets spéciaux, volontiers bluffants aussi, mais c’est la forme du récit qui tient le film en haleine, nourrissant sa paranoïa paradoxalement naïve et post-09.11.
Peu de séquences, pourtant impressionnantes, ainsi se détachent (à condition qu’elles ne soient pas exagérément référentielles, comme la scène de la cave, clin d’œil proche du TOC à Jurassic Park et Minority Report en un seul coup de caméra) ou bien sont-elles celles presque dépourvues d’envahisseurs (la foule en panique attaquant la bagnole de Cruise), mettant en scène la furie aveugle de l’homme affolé, aux repères égarés.
Sorte de négatif de CE3K (comme Poltergeist était celui d’ET), ce film est surtout une oeuvre adulte (le vilain mot !), pleine encore des petites affaires de Steven (la famille décomposée, par exemple) mais débarrassée à jamais de la légèreté 70’s au profit de la noirceur des années de l’après barbecue Ben-Ladesque.
Salut Mariaque
Nos avis sont souvent proches on dirait... ;)
Cela dit, je ne sais pas si le fait de sèchement copier/coller tes chroniques comme commentaire soit le meilleur moyen de faire connaissance ;)
A bientôt
Robby
Salut Robby,
Vu hier soir le film en question. Complètement d'accord avec vous tous en général. Je n'ai pas vu la Route mais j'ai lu le livre. Cette fuite familiale m'y a fait penser. La fin un peu baclée m'évoque District 9 qui à le même défaut, en plus long et plus marqué. Un combat final et happy-end héroique qui n'apporte rien à la narration. J'ai tout de même passé un bon moment. Comme le dit Erik on a peur une bonne partie du film.
A bientôt
Bruno
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