Alors que le film DV se réclame volontiers d’une plus grande liberté, il n’est souvent en réalité qu’un moyen de s’enfermer dans un genre ultra calibré. Au même titre que le film en relief qui s’évertue à balancer tout et n’importe quoi n’importe quand vers le spectateur pour justifier son emploi, le "DV pour faire vrai" se révèle paradoxalement très artificiel et devient surtout le prétexte à toutes les facilités scénaristiques ou de mise en scène.
Le brillant 28 Jours Plus Tard était parvenu à sortir du registre de l’attraction de foire un format qui n’est finalement qu’un support comme un autre. Il en tirait le meilleur dont cette fameuse liberté qui se situe essentiellement du côté du coût réduit de production. Malheureusement Cloverfield fait comme si le film de Danny Boyle n’avait jamais existé et nous gratifie de tous les travers du genre.
L’argument épuisé de la désormais classique "cassette retrouvée" est le prétexte à un scénario inexistant qui tient en une phrase : un monstre attaque New york. Pourquoi pas. Mais dès l’interminable introduction faite de bavardages insipides dans la jeune bourgeoisie new yorkaise où l’on apprend que Machin a couché avec Bidule qui maintenant sort avec Truc, on a droit au montage et au cadre "amateur" c'est-à-dire de traviole et zébrés de coupures chaotiques "pour faire vrai". Et sans doute aussi pour meubler sans trop se casser la tête.
Heureusement le déclenchement des événements met un terme brutal à ce vide intersidéral de presque vingt minutes (!). L’effet de rupture est d’ailleurs puissant et les premières manifestations de l’arrivée de la créature (encore invisible à ce stade) sont très réussies. On pourra y voir ou non une référence à l’incontournable 11 septembre, peu importe, la séquence fonctionne à plein.
Malheureusement les péripéties s’enchaînent ensuite sans véritable intrigue hormis une invraisemblable bluette totalement hors de proportion avec le sujet. Ce bout-à-bout fonctionne parfois, ennuie aussi car le procédé s’use très vite. Du coup la caméra bringuebalante et les ruptures de montage ne produisent plus rien d’autre qu’un agacement contre-productif puisqu’ils créent de la distance avec le spectateur là où ils étaient censés l’immerger davantage dans les événements.
La séquence dans le métro achève de ramener le film à un simple niveau du jeu Half Life où la succession de péripéties n’est structurée par aucune narration ou aucun sentiment. Or ce qui est passionnant dans le cadre d’un jeu où le frisson est indissociable du fait d’être soi-même le moteur de l'action, devient vite creux lorsqu’on se contente de subir un flot d’images chaotiques et de personnages en carton.
Matt Reeves parvient tout de même de temps en temps à produire l’effet recherché au travers de quelques plans réellement impressionnants, notamment ceux laissant entrevoir le monstre ou durant les mouvements de foule.
Cloverfield ne souffre peut-être finalement que d’être un long métrage là où l’intention de départ et le procédé utilisé ne permettaient qu’un film brut d’une quinzaine de minutes qui aurait grandement gagné en cohérence et en efficacité.
A noter que le peu prolifique Matt Reeves est l'auteur d'une très agréable comédie datant de 1996 : Le Porteur de Cercueil.
4 commentaires:
Bonjour !
Je suis bien d'accord avec ta critique, moi-même j'avais essayé de dire un peu la même chose sur mon petit site !
Bisous,
Pénélope.
Bonjour Pénélope
Merci pour ce petit passage sur ces pages et pour les commentaires...
Je viens de lire ton article sur le film et je crois en effet que nous avons eu la même impression.
A bientôt ! Robby
Bonjour Robby,
Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié "Cloverfield" comme en témoigne l'article que je lui ai consacré sur mon blog.
Je pense que le fait de le voir sur grand écran avec le son dolby qui va bien est un plus indéniable pour apprécier l'expérience. D'ailleurs, je n'ai toujours pas revu le film depuis (j'ai peur qu'il perde beaucoup de sa force via son transfert télévisuel...).
Amicalement,
Shin.
Bonjour Shin,
Oui bien sûr j'ai bien vu que tu avais aimé Cloverfield héhé. Tu n'es pas le seul loin de là. Concernant la vision sur grand écran je suis à la fois d'accord (comme à peu près tous les films de ce type, la salle est préférable au dvd) et dubitatif en raison de la façon de filmer. Etant un peu allergique aux mouvements faussement désordonnés de ce type, peut-être que mon impression aurait été encore plus négative. Concernant l'ambiance sonore, je ne doute pas que la salle doit apporter un plus important. Mais je ne suis pas sûr que cela ajoute pour autant un intérêt supplémentaire à l'intrigue, en particulier durant la longue intro :op
Robby.
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